(manque
la date de ce projet : probablement 1992)
LES PORTE-PAROLE
(Version sonore) - Projet
Le propos poursuivi :
Il sagit dune réflexion sur la pratique de lart,
et tout dabord du constat que lactivité du créateur
ne se limite pas à la production dun objet matériel
: l'uvre. Bien au contraire...
En amont, à lévidence, un questionnement : des problèmes
concrets de forme, despace... dautres problèmes encore,
la confrontation à lhistoire de lart, à lactualité,
par exemple... La personnalité de lartiste, la logique
interne de l'uvre...
Puis lélaboration du projet. Et pour finir le vécu
en jeu dans lexécution du travail, la mise à lépreuve
des faits, de la présence de l'uvre dans lespace.
Sa force propre. Un aboutissement ? Certes non ! Car toute une activité
sociale accapare également lartiste. Ainsi la présentation
des travaux lors de la visite datelier est loccasion
dune discussion avec des critiques dart, des directeurs
de lieux dexposition, des amis... Ainsi la participation à
des expositions, capitale (comme chacun le sait) pour la stimulation
du processus intellectuel. Enfin, dautres échanges alimentent
encore la réflexion : débats entre confrères, conférences,
lectures...
Lactivité du créateur, par conséquent, sétend
bien au delà de la réalisation de l'uvre en tant
quobjet matériel. Et cest la réflexion, bien
souvent sous forme de mots, pensés, voire prononcés, échangés,
qui constitue la véritable matière de l'uvre.
Le problème se pose donc de la façon suivante : comment
conjoindre la pratique de lart et son rapport à la pensée
et aux mots ? Comment intégrer dans l'uvre la réflexion,
le débat didées, qui a précédé,
voire accompagné sa réalisation ?
(On
remarquera quà la différence de lart conceptuel,
qui fait du questionnement luvre-même, il sagit
ici dune mise en présence simultanée de mon travail
et de la réflexion qui laccompagne).
Source
de linspiration & première réalisation des Porte-parole
:
Jaimerais rappeler tout dabord, que mon travail (depuis
1982), puise abondamment ses sources dinspiration dans limagerie
populaire, notamment dans la technique du Scherenschnitt
(découpage de silhouettes) ou encore les enseignes. Ainsi ai-je
pris le parti dutiliser la silhouette - loin cependant des préoccupations
traditionnelles de lart figuratif, mais bel et bien dans le contexte
dune problématique contemporaine -, afin de réaliser,
à partir de fragments de figures proches de lillisibilité,
des installations au mur et dans lespace.
Cest donc en toute cohérence avec ma démarche, que
jai choisi de minspirer des porte-menu des restaurants,
effectuant ainsi à ma façon, une relecture dun moyen
de communication populaire, qui utilise les silhouettes dans lespace
urbain, afin de véhiculer une information. Ces figures
érigées permettent également de questionner
le principe de la statuaire.
Une première version des Porte-parole, a été
montrée en 1990 dans latelier. Quatre pièces furent
alors réalisées, dans lesprit dune installation-prototype
qui serait à développer à loccasion dune
exposition dans un lieu adéquat (le nombre des Porte-parole
sera fonction de lespace alloué à leur installation).
Sur les silhouettes de contreplaqué figurait alors un texte porté
par un tableautin encadré, faisant appel à des interrogations
essentielles de mon travail : Quest-ce que lArt ?,
Le Rôle du Texte, LExpression dun
Dess(e)in, LEspace autour etc... Cependant le
recours au texte ma semblé limité, notamment par
les problèmes formels quil posait (manuscrit ?, imprimé
?, choix de la typographie, du support etc...) et jai souhaité
intégrer réellement la parole, afin tout dabord
de pouvoir témoigner plus concrètement de conversations
effectives, mais aussi par fascination pour un matériau qui bien
que sonore est pourtant partie intégrante de lactivité
du plasticien. Lutilisation du son offre également lavantage
dun déploiement possible dans lespace, plus en cohérence
avec lesprit de mes installations.
Remarque
: Si quelques similitudes peuvent apparaître à première
vue avec des travaux récents de Ben (*), ce projet en diffère
cependant fortement, tant par son esthétique privilégiant
rigueur et clarté, que par son contenu mettant laccent
sur le vécu personnel de lartiste face à l'uvre,
sa réflexion et son rapport à lentourage professionnel.
Ce travail sinsère de surcroît en toute cohérence
dans une démarche bien différente, interrogeant notamment
le rapport à lespace et à larchitecture.
Le projet
:
Je prévois la réalisation de douze Porte-parole
sonorisés. Le son sera composé dentretiens que je
réaliserai avec différentes personnalités du domaine
artistique (critiques, directeurs de lieux dexposition etc...),
de débats avec dautres plasticiens (intégrant ainsi
mon expérience de débats menés récemment
avec un groupe damis), mais également de notes
et réflexions diverses sur ma pratique. Le matériau sonore
sera réparti entre les différents Porte-parole
de manière à dialoguer dune pièce
à lautre, créant ainsi un effet de mise en espace
de la parole, et afin déviter toute cacophonie. Les Porte-parole
seront disposés en fonction du lieu dexposition, soit tous
ensemble dans un lieu vaste, soit par petits groupes dans des pièces
successives, de manière à susciter la déambulation
du spectateur au sein de linstallation. La commercialisation éventuelle
de linstallation pourrait également être envisagée
à lunité (après présentation de l'uvre
intégrale au public).
Ces pièces seront réalisées en contreplaqué
de 16 mm dépaisseur, peint en noir (car je ne souhaite
pas faire apparaître la matière du bois), avec marquage
de lépaisseur en rouge fluorescent. La partie technique
comportera des lecteurs de cassettes miniatures (walkmen),
dissimulés dans des boîtiers de contreplaqué fermant
à clé, reliés à des haut-parleurs auto-amplifiés
et miniatures. Le choix de ce type de matériel a été
effectué en fonction de son aptitude à demeurer discret
(il sagit de mettre en valeur le matériau sonore, et non
lappareillage), et de son rapport qualité/prix ; il permet
également une grande souplesse lors de laccrochage, ainsi
quune autonomie de chaque pièce.
KL
LOTH
* :
Il s'agit d'uvres que Ben Vautier a montrées en 1991, au
Centre Pompidou, dans le cadre de l'exposition Le Forum des Questions
de Ben, ainsi qu'à l'Amour de l'art (Biennale de Lyon).