kl-loth.com
art contemporain et écrits sur l'art
archives commentées des travaux actuels et passés de KL LOTH

 

(commentaire à rédiger, certaines des opinions énoncées ne correspondant plus du tout à ce que je pense aujourd'hui ; contexte à préciser)

Le fac-similé permet de retrouver la mise en page initiale et comporte des illustrations savoureuses.

 

DE QUELQUES NOTIONS
SOMME TOUTE ASSEZ DISPARATES
(Je n’écris plus de dissertations)

ÉDITORIAL

Cahiers de Leçons de Choses n° 2

The mood changed into crystal clear freezing atmosphere (I)

Il faut aiguiser son couteau pour qu’il coupe.

Ainsi écrirons-nous désormais avec des plumes acérées, peut être même avec ces plumes d’écolier si souvent détournées (blessure enfouissant l’encre dans la chair. L’écriture désormais incarnée). Modernité. L’écriture est en crue. Horizons de flots de mots. « Délire ». Sens noyé (autant chercher une aiguille d’or dans une meule de foin). Le lecteur ébaubi boit la tasse, avalant moulte jargons références et… tousse crache écarlate. STOP. Nous serons compact et concis, nous polirons nos phrases comme du diamant. Nous ne déguiserons plus nos vérités.

Alors peut être le matin se lèvera plus beau plus lumineux, balayant d’un air frais et pur, fumées et vapeurs fétides des soirées attardées.

 

Champ de l’art/Horizon culturel

Soyons bucoliques et… allons à la campagne ! Effluves — petites violettes et odeurs de jacinthe. Quelque temps le corps et l’esprit se laissent aller. Bien être. Exaltation. Une longue promenade au soleil et plus tard, lorsque la nuit tombe, le regard devient triste, assis sur une murette de pierre, face à l’horizon, contemplant les sillons uniformément parallèles de notre nature. Nous voilà encore constatant l’emprise de certain type de société : machinisé, hyper-planifié. Culture. Que reste-t-il du monde sauvage ? Chaos générateur de richesses fantasmatiques propres à enrichir notre vécu de mille histoires et rumeurs ? Pas grand chose…
Un monde triste a une image morne : l’art minimaliste — par exemple — et ses toiles labourées de tristes lignes droites parallèles. L’artiste encense la modernité, sûr de son affaire et avide de pouvoir (peindre la machine, peindre la science et enfin être INTÉGRÉ !). Dérision et aveuglement, ce n’est que recommencement d’une triste histoire de ce début de siècle : Marinetti, les Futuristes liés au fascisme montant, Fernand Léger et tant d’autres qui sont aujourd’hui — et à juste titre — contestés. Prenons garde car l’actualité ce serait plutôt — paradoxe ! — la contestation de la modernité, le refus de la mise en place d’une société télématisée où un individu un petit peu original et sensible n’aura pas sa place. Je me permets aussi de faire remarquer l’existence dans notre état déjà trop peuplé du tapage omniprésent d’une politique nataliste, qui déjà porte ses fruits : montée de la marmaille, rengorgement de la foule, et bientôt nous passerons le seuil sinistre où l’homme-individu disparaît au profit de l’humanité fourmilière (la collectivité sera alors l’unité pensante, et l’homme un simple morceau, infime) (1).
Que conclure ?
— Quatsch !
— Weck mam Dreck !
— Nous sommes ringards.

Revenons à l’histoire de l’Art et à ce banal constat de la disparition — au niveau des canaux d’information : revues, expos, cours… — de tout ce qui peut avoir un aspect narratif (au sens large). Lignes droites, petits carrés inlassablement répétés, monochromes subtils… tout n’est que problèmes picturaux, vocabulaire réduit à sa plus simple expression (lallation des nouveaux-nés !), combinaison infinies. L’étendue du possible explorée méthodiquement. Voilà tout. Mais où sont donc les phrases, le récit, la multiplicité des interprétations et des lectures possibles (sur un éventuel fond d’expérience personnelle). LE PLAISIR. Est-ce donc une erreur d’interprétation que d’attendre d’une œuvre plastique la richesse évocatrice d’un livre, d’un décor de théâtre… ? D’ailleurs pourquoi cet esclavage de la chose représentée, du tableau ; pourquoi la disparition des faiseurs d’objets, la chose en elle-même (bric à brac des SYMBOLES) ? au profit des SIGNES de l’ennui et de la modernité ? Quand seront donc en bonne place l’Art Brut, Fluxus, … les interventions… et Duchamp (2) lui-même ?
Chaque jour, la Non-peinture, le Hors-peinture, sont occultés, bannis davantage. Désormais prenons position (3), réagissons, rappelons l’un des buts principaux de Leçons de Choses (ce n’est pas le seul), qui est d’ouvrir ses pages en priorité à des pratiques dédaignées en d’autres lieux… À vous peut être et DE GRÂCE RACONTEZ-NOUS DES HISTOIRES !

Nonchalamment j’écoutais « État-Culture »…

FEMME : Professeur Dupont-Morel, les Éditions Delaporte viennent de publier votre dernier ouvrage — qui m’a véritablement enthousiasmée —, consacré à la société des rats et à d’éventuels embryons de spiritualité au sein de cette société. Alors, dites-moi professeur, ce livre s’appelle Les Rats ont-ils une religion, que cache ce titre ?

HOMME : Vous savez que j’avais centré mes précédentes recherches sur les aspects similaires du fonctionnement mnémonique des sociétés ratières et d’autres sociétés considérées à un stade évolutif avancé, notamment celles où l’on peut envisager l’existence d’une “conscience”, soit collective, soit individuelle, dont l’exemple le plus trivial est bien sût l’humanité. J’ai donc joué sur une extension sémiologique du mot religion pour souligner un état de fait qui fut bel et bien en son temps — souvenez-vous en — accueilli comme une bombe : le constat d’une forme de mysticisme, à l’état de traces, je le dis bien.

FEMME : Qu’entendez-vous par mysticisme ? S’agit-il d’un mysticisme laïc ou religieux ?

HOMME : Ni l’un ni l’autre évidemment car vous n’êtes pas sans connaître l’expression si populaire : « être gueux comme un rat d’église », en effet, vous savez par ailleurs que si l’on place des rats dans une chambre obscure qui communique avec une chambre violemment éclairée, et que l’on brûle de l’encens dans la pièce éclairée, tous les rats vont finalement opter pour la pièce éclairée. Or si l’on inocule un prélèvement de cellules cérébrales de l’un de ces rats éclairés dans le cerveau d’un rat non initié, et bien spontanément ce nouveau fidèle opte pour la lumière divine. Conclusion : il ne s’agit ni de mysticisme religieux ni laïc, mais d’un phénomène collectif de type égalitaire et héréditaire.

En fond sonore : hareu hareu (le troisième rejeton de la bonne citoyenne manifestait contre la halte-garderie engorgée).

FEMME : Est-ce que ce phénomène a une incidence sur la maternité chez la rate ?

HOMME : Attention, vous confondez anthropomorphisme et isomorphisme. Je n’ai pas dit que les propriétés d’une conscience embryonnaire se retrouvaient identiques dans une société télématisée ; qu’elles soient réalisées avec un scintigraphe conventionnel ou avec une gamma-caméra, la plupart des techniques utilisent la propriété que possède la rate d’éliminer du sang circulant les globules rouges altérés. L’altération peut s’obtenir à l’aide du bromo-hydroxy-propane (B.M.H.P.).

FEMME : En quoi cette nouvelle découverte va-t-elle modifier ma condition de femme ?

HOMME : Oui vous avez raison. Je vous recommande à ce sujet le livre Féminité et travail à domicile.

FEMME : Est-ce que vous pensez que le public va être sensible à la portée radicale de votre… SCRATCH

Public… Public ? Souvent je m’interroge sur sa nature et parfois je glane quelque indice. Il semblerait, d’après la démonstration précédente, que l’interviewer soit son représentant, son émanation, et ait donc beaucoup de points communs avec lui. Ouvrons les yeux : le public par excellence, celui qui ne sait pas, qui est curieux de tout, c’est la femme, toujours la femme !… ACH SO FEMME PUBLIC.

Continuons notre « Leçon de vocabulaire »…
La maîtresse n’est pas un maître. La transmission du savoir est remplacée par l’autoritaire transmission de l’affect — claquement voluptueux du fouet ; la fourrure s’entrouvre sur une touffe brune et la peau satinée… fente. C’est l’archétype péjoratif et extrême.
Il y a en fait inversion de l’échange : c’est elle qui prend (Oh ! — c’est une salope —). Et c’est ce qui différencie les deux types de couples : maître-disciple, maîtresse-esclave.
Et pour un peu voici la trilogie :
maître / disciple-esclave / maîtresse.
La maîtresse est jalouse et rivale du maître qui lui ravit son « partenaire », lui enseigne à ne pas perdre son énergie avec « les femmes » (ainsi, paraît-il, Schönberg décide que Berg s’occupe trop de sa femme et que cela nuit à ses compositions). Le disciple devient mystique et chaste, reniant ses racines à la déesse tellurique (qui est l’aspect positif de la maîtresse : l’initiatrice celtique). IL MEURT À LA VIE.

Catherine LOTH
Cahiers de Leçons de Choses n° 2, 3ème trimestre 1980

 

(1) N’oublions pas le rôle paralysant qu’a tenu le reseau familial depuis des siècles. Nous sommes tous pris aux mailles du filet ! 
(2) N’oublions pas (ou plutôt si !), certaine thèse qui a voulu réduire le travail de Duchamp au seul problème formel de la représentation de la quatrième dimension !
(3) Autre son de cloche pour une même réalité : j’ai appris depuis la réaction de certains artistes à l’omniprésence de la picturalité parisienne-U.S. : l’organisation d’une « contre exposition » (Partis Pris autres).

(I) AMON DÜÜL II : "Syntelman's march of the roaring seventies", in Tanz der Lemminge, United Artists Records (France), 1971
(lyrics)

 

Couverture du numéro
16,7 x 22 cm